“Face à la vive émotion suscitée, Pernod Ricard annonce ce jour renoncer à son partenariat global qui devait le lier au Paris Saint Germain pour promouvoir ses marques de whisky et de champagne à l’international.”

L’abandon du contrat de sponsoring du PSG par Pernod-Ricard quelques jours après son annonce fera certainement figure de cas d’école, enseigné à des générations et des générations d'étudiantes et d’étudiants en marketing, branding et relations médias. 

En quelques jours, la fronde des supporters marseillais, du maire de la ville, des médias, bientôt relayée par quelques membres de la famille éponyme a réussi à faire plier l’un des leaders mondiaux de la vente de spiritueux. 

Pourtant, pour le groupe, ce partenariat semblait un choix stratégique pertinent… dont les contours avaient anticipé la sensibilité du sujet. Le sponsoring concernait uniquement l’international, les marques marseillaises du groupe (Ricard, 51) n’étaient pas concernées, l’identité française des deux marques tissait un lien intéressant à travailler. 

Alors, quelles leçons tirer de cette séquence pour un annonceur ou une agence de branding ? Quelles précautions auraient pu être prises pour éviter l’annulation d’un partenariat prometteur pour le groupe ? 

Par Nicolas de Chalonge, Directeur associé, Yellow Lab.

Bien identifier la marque qui doit porter une nouvelle sensible

Pernod Ricard est un groupe d’alcools et de spiritueux, l’un des leaders mondiaux, qui se caractérise notamment par la multitude des marques de son portefeuille. Mumm, Ricard, 51, Chivas, Perrier-Jouët… Des dizaines de marques, aux identités, positionnements, territoires différenciés. Pernod Ricard, de son côté, n'est pas une marque produit, mais la marque corporate du groupe, utilisée pour la communication financière et investisseurs. 

Cette architecture de marques riche aurait peut-être pu permettre d’identifier une autre marque que Pernod Ricard pour annoncer le partenariat. Si le caractère global indiquait naturellement la marque groupe comme émettrice, la sensibilité du sujet aurait pu amener à communiquer via une ou un collectif de marques produits. Un communiqué de presse tel que Mumm, Martel et Chivas s’associent au PSG à l'international aurait suscité beaucoup moins de réaction que l’association entre les mots Ricard et PSG. De même, privilégier un territoire international de communication (par exemple, en publiant la news uniquement en anglais) aurait pu contribuer à minimiser le risque de crise de communication. 

Faire preuve de délicatesse dans le maniement d’objets symboliques

Les réactions ont été d’autant plus vives et épidermiques que l’une des communications associait de manière particulièrement explicite le nom Pernod Ricard floqué sur un maillot du PSG, prise au Parc des Princes. Sur Instagram, un canal résolument grand public. 

Ce que semblait signifier cette photo, c’était que Ricard allait figurer comme sponsor maillot du PSG, ce qui n’était absolument pas le périmètre du partenariat signé, mais laissait fantasmer au supporter marseillais une chimère cauchemardesque : la familière bouteille de Ricard (la bouteille de Ricard de 1L est en France le produit unitaire générant le plus de chiffre d’affaires) affichée sur l’emblème même de l’ennemi capital. Pour le Groupe il s’agissait d’un partenariat prometteur. Dans les yeux d’un supporteur marseillais, un changement de casaque, une trahison, une prise de guerre. 

Rester au niveau corporate des symboles, plutôt que de descendre à un niveau grand public en mobilisant le stade et le maillot, aurait probablement ainsi limité les risques de crise. 

Bien identifier les différentes dimensions d’une même marque

Enfin, cette crise révèle que Ricard, c’est un mot mais en réalité trois marques : la marque groupe, la marque produit, et enfin une marque familiale. 

Si l’on comprends que la marque groupe Pernod Ricard peut tranquillement s’associer avec le Paris-Saint Germain, sans que cela soit orthogonal à son identité (celle d’un grand groupe, français et prestigieux aux ambitions mondiales), il n’en est pas de même pour la marque produit et la marque famille. 

Pour le produit, populaire et s’affichant fièrement comme Born in Marseille, comme pour la famille dont la mythologie s’inscrit au cœur de la cité phocéenne, un partenariat avec le PSG, parisien et richissime, est un renversement complet des valeurs. Et face à la fronde de la marque produit, et pire de la marque familiale, le Ricard corporate n’avait d’autre choix que de céder. 

Cette séquence nous raconte ainsi deux choses. D’une part, la force de la marque Ricard, érigée au rang de mythologie nationale, d’objet symbole d’une culture populaire et provinciale. Et en miroir la force de la marque Marseille, ville, identité, club de football, capable de remporter en quelques jours une bataille de réputation devenue identitaire.